La Carretera Austral, à vélo-pieds...

J  1065 -  38 486 kms  -  Villa O'Higgins, Chili.


C'est hier que nous avons atteint la dernière ville de la Carretera Austral que nous avons parcouru depuis déjà plus d'un mois.
Cette route fut longue, éprouvante, mais tellement belle. Nous avons pris le temps de l'admirer, car nous l'avons parcouru... à vélo-pieds !



La Carretera Austral, une route avec une histoire.

Initialement appelée Carretera General Augusto Pinochet, elle fut construite entre 1976 et 2000, pour relier la ville de Puerto Montt à Villa O'Higgins. 
Aujourd'hui, la Carretera Australe est le nom donné à la route n°7 chilienne.

L'objectif de la construction de cette route était de relier les communes les plus reculées du Chili, isolées et mal desservies. Il était notamment impossible de rejoindre la région de Aisén sans passer par le pays voisin, l'Argentine. 

Les travaux de construction de cette route furent titanesques, réalisés par l'armée chilienne. 
Il a fallu contourner des montagnes, construire de nombreux ponts, traverser des roches glaciaires et des fjords, et organiser des liaisons par bacs, qui fonctionnent uniquement en période estivale. 

Lors de notre passage nous avons vu et fait les frais des améliorations des route en cours, pour la goudronner et la rendre plus praticable, et plus accessible à tous types de véhicules. 

C'est notamment une des raisons pour laquelle nous avons choisi de parcourir cette route maintenant, car les améliorations vont bientôt bousculer les paysages encore isolés et naturels. Le tourisme gagne du terrain d'année en année. 


De Puerto Montt à Villa O'Higgins...

Nous sommes arrivés à Puerto Montt après un long trajet en bus depuis Santiago, où Daniela et Victor ont été des hôtes en or jusqu'au bout. 
Ils nous ont accompagné au terminal de bus et nous ont aidé à négocier la place pour caser notre tandem entre les grosses valises des autres voyageurs, nombreux, car nous étions en plein chassé-croisé des vacances d'été chiliennes !

A Puerto Montt en début de journée, nous avons filé au supermarché faire des provisions pour la route avenir qui s'annonce plutôt isolée. 

Un dernier message internet à la famille pour dire que nous partons et nous nous lançons enfin, les jambes engourdies après ce mois d’arrêt forcé. 

Nous faisons un tour de la ville de Puerto Montt, une ville d'environs 200 000 habitants, située sur le golf Seno de Reloncavi, qui possède un important port de commerce, de pêche et de transport.

Nous roulons et sortons de la ville pour débuter notre route sur la Carretera Austral, ENFIN nous y sommes !

La route est belle et longe la cote, l'asphalte est lisse et nous traversons de petits villages de pêcheurs. Nous discutons à beaucoup de chiliens sur notre route, qui nous font des signes, et sommes très bien accueillis dès le premier soir par Ramon et sa maman, qui nous offrent des prunes, de la confiture, et même un plat de moules fraîches avant notre départ le lendemain !

Ensuite nous prenons notre premiers bac, à La Arena, où le goudron laisse place au ripio (piste). Notre route deviens de plus en plus vallonnée et la pluie fait son apparition. 

A Hornopiren, nous prenons notre deuxième bac, dont le trajet dure environs 3 heures à travers les fjords, puis à partir de Vodudahue, nous reprenons le ripio pour 10 kms, pour rejoindre un autre ferry, qui nous mènera jusqu'à Caleta Gonzalo, 45 minutes plus tard, sous une pluie incessante.

Le lendemain, la pluie ne cesse pas et nous ne pouvons pas attendre qu'il fasse un meilleur temps pour repartir, alors équipés de nos habits de pluie, nous reprenons le ripio en direction de Chaitén, et la journée s'avérera humide à travers le parc Pumalin, l'eau foisonne de partout !

Nous traversons une longue forêt ou d'immenses feuilles ornent les bords de route, la preuve qu'il pleut souvent par ici. 

Il est beau ton parapluie !

Chaiten est une ville déclarée morte par le gouvernement après avoir été enseveli par les cendres du volcan voisin en 2008. Nous en avons vu les dégâts dans la forêt et les odeurs de soufre sont parfois présentes.

Une forêt grillée par les cendres du volcan.

Nous sommes juste passés à Chaiten pour refaire quelques provisions, et avons profité des éclaircies pour continuer, sur de l'asphalte et un bon vent dans le dos ! 

Le lendemain, à partir de Puerto Cardenas, la pluie nous a rattrapé et le ripio était en très mauvais état, nous obligeant très souvent à descendre du tandem et marcher à coté pour avancer, en poussant. 

Nous marcherons sur environs 30 kms pour rejoindre Villa Santa Lucia, où nous sommes les invités d'honneur d'une colonie de vacances sur le thème musical ! Nous avons la chance d'assister à un beau concert de chants et musiques chiliennes, et dormirons au sec.

A partir de Villa Santa Lucia, le soleil est revenu, mais la piste est devenu catastrophique ! 

Effectivement, des travaux d'amélioration de la route est en cours, et nous sommes passés a la période des galets ! 
Les galets sont prélevés des rivières alentours pour endurcir la route, alors ce fut comme si nous marchions sur une rivière sèche... nous avons énormément marché jusqu'à La Junta. Pour vous donner une idée, sur les 70 kms, nous avons marché sur 60 !

A La Junta, nous arrivons juste avant la tombée de la nuit, et aurons la chance d'être accueillis par Juan et Patricia, qui nous invitent à dormir dans leur modeste maison. 
Le lendemain, nous pourrons profiter d'un spectacle traditionnel Chilien, un rodéo, en compagnie de Jacques et Martine, et Nicole et Claude, deux couple français en vadrouille avec leur coquille.
Ils nous offriront un bon repas et du bon vin ! Ce fut un bon moment, merci à vous !

 Santé !

Le rodéo fut impressionnant, c'est un sport pour le cavalier mais aussi pour le cheval ! Les règles et le score sont difficiles à comprendre mais le spectacle est beau et intéressant.

 Nous avons repris la piste dès le lendemain sous un beau temps, pour traverser le Parc National Queulat, et parcourir des sentiers pour voir de plus près le grand glacier suspendu Ventisquero Colgante.

Le soleil reste enfin et nous roulons désormais en profitant pleinement des paysages qui nous entourent. 

Nous avons retrouvé l'asphalte à Piedra Del Gato, et avons enchaîné les kilomètres jusqu'à Villa Cerro Castillo en passant par Coyhaique.

A partir de Cerro Castillo, fini le goudron, retour au ripio !
Les cailloux laissent place à la tôle ondulée, qui secoue dès que nous roulons dessus... alors retour à la marche ! 

Ce n'est pas moins de 100 kms de marche que nous parcourrons sur les 125 kms, pour rejoindre Puerto Rio Tranquilo. 

La route est de plus en plus isolée et nous trouvons chaque soir une belle place tranquille pour bivouaquer, près d'un point d'eau qui nous permet de nous laver. Une eau glacée sortie tout droit du glacier voisin, mais il est pour nous impératif de nous laver après une journée d'effort. Si nous tentons d'esquiver ce lavage glacé express, nous sommes moites et restons glacés toute la nuit !
La douche est pour nous indispensable pour mieux dormir, et rester en forme. 

A Puerto Rio Tranquilo, nous avons pu participer à une excursion vers les grottes de marbres, sculptées par la nature, sur le deuxième plus grand lac d'eau douce d'Amérique du Sud, le lac General Carrera.

En longeant le lac Carrera et la campagne, nous sommes arrivés à Cochrane, où nous avons fait de nouvelles provisions pour 230 kms (5 jours) sans service. 

La route fut très calme, et nous y avons croisé plus de cyclo que de voitures ! Des cyclo de toutes nationalités et ce fut souvent l'occasion de discuter, échanger sur la route à suivre, et se conseiller.

Une famille canadienne sur la route !

Sur la Carretera Austral, la nature occupe toute la place et chaque virage, chaque montagne a pu faire changer radicalement le paysage !  En passant des forêts humides à des montagnes rocheuses sèches et sans arbres, des lacs et des rivières à profusion où nous en profitions pour remplir nos gourdes, l'eau ne manque pas ici !

L'eau est un sujet d'actualité important dans cette région, car il est question actuellement de construire des barrages et produire de l’énergie à partir de ces derniers. 
Des barrages qui changeront à jamais la beauté pure de la Patagonie Chilienne ! De nombreuses manifestations ont lieu contre ces barrages, et nous avons souvent vu de grands panneaux dénonçant ce projet. 

Notre belle Patagonie. 
Quel sauvage ferait ça ? Hydroaysén le ferait. Patagonie sans barrage.

Un dernier ferry à Puerto Yungay pour rejoindre Rio Bravo, et attaquer les 100 derniers kilomètres vers la ville qui signe la fin de notre aventure sur la Carretera Austral, Villa O'Higgins ! 

...A vélo-pieds

La Carretera Austral fut une route difficile, sans doute la plus éprouvante, physiquement, de notre périple. 
Sur les 1275 kms de route, nous avons sans doute marché plus de 500 kms depuis Puerto Montt ! 

Nous avons souvent préféré marcher à coté du tandem plutôt que de mettre tout notre poids sur les routes abîmées et casser quelque chose en voulant rester dessus à tout prix, car dans cette partie du monde, on ne pourrait pas réparer le tandem facilement !
Nous avons sans doute plus marché que tout autre cyclo ici, mais l'attente de Santiago nous rebute à prendre des risques mécaniques.

Sur le plan mécanique, nous avons eu une crevaison du pneu arrière et une crevaison du pneu de remorque, que nous avons remplacé. 
Aussi, nous avons cassé un maillon rapide de la chaîne des vitesses, que nous avons remplacé facilement.


Même si ce fut difficile physiquement et surtout au niveau des pieds, cette marche ne fut pas une grande contrainte, bien au contraire. Elle nous a permis de voir le maximum de choses sur notre passage, apprécier chaque recoins de cette route mythique, et voir voler les nombreux oiseaux qui vivent ici... 

Ça c'est chouette !

Nous prenons deux jours de repos à Villa O'Higgins, en attendant le prochain bateau qui nous mènera vers une nouvelle frontière... l'Argentine !